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Scène IX

Sur le pont Saint-Ange. Quatre heures du matin.

GABRIEL, suivi de Mosca, GIGLIO.


GABRIEL, marchant avec agitation et s’arrêtant au milieu au pont.

Le suicide !… Cette pensée ne me sort pas de l’esprit. Pourtant je me sens mieux ici !… J’étouffais dans cette petite chambre, et je craignais à chaque instant que mes sanglots ne vinssent à réveiller mon pauvre Marc, fidèle serviteur dont mes malheurs avancent la décrépitude, et que ma tristesse a vieilli plus que les années ! (Mosca fait entendre un hurlement prolongé.) Tais-toi, Mosca ! je sais que tu m’aimes aussi. Un vieux valet et un vieux chien, voilà tout ce qui me reste !… (Il fait quelques pas.) Cette nuit est belle ! et cet air pur me fait un bien !… Ô splendeur des étoiles ! ô murmure harmonieux du Tibre !… (Mosca pousse un second hurlement.) Qu’as-tu donc, frêle créature ? Dans mon enfance, on me disait que, lorsque le même chien hurle trois fois de la même manière, c’est signe de mort dans la famille !… Je ne pensais pas qu’un jour viendrait où ce présage ne me causerait aucun effroi pour moi-même… (Il fait encore quelques pas et s’appuie sur le parapet.)

GIGLIO, se cachant dans l’ombre que le château Saint-Ange projette sur le pont, s’approche de Gabriel.

C’était bien sa demeure, et c’est bien lui ; je ne l’ai pas perdu de vue depuis qu’il est sorti. Ce n’est pas le vieux serviteur dont on m’a parlé… Celui-ci est un jeune homme.

(Mosca hurle pour la troisième fois en se serrant contre Gabriel.)