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lui peu à peu, et presque à son insu, prendre la place de celle qui s’éteignait. Aujourd’hui son amour n’est plus qu’un orgueil sauvage, une soif de vengeance et de domination ; son désintéressement n’est plus qu’une ambition mal satisfaite, qui méprise l’argent parce qu’elle aspire à quelque chose de mieux… Ne le défendez pas ! Je sais qu’il se fait encore illusion à lui-même, et qu’il n’a pas encore envisagé froidement le crime qu’il veut commettre ; mais je sais aussi que son inaction et son obscurité lui pèsent. Il est homme ! une vie toute d’amour et de recueillement ne pouvait lui suffire. Cent fois dans notre solitude il a rêvé, malgré lui, à ce qu’eût été son rôle dans le monde si notre grand-père ne m’eût substitué à lui ; et aujourd’hui, quand il songe à m’épouser, quand il songe à proclamer mon sexe, il ne songe pas tant à s’assurer ma fidélité qu’à reconquérir une place brillante dans la société, un grand titre, des droits politiques, la puissance, en un mot dont les hommes sont plus jaloux que de l’argent. Je sais qu’encore hier, encore ce matin peut-être, il repoussait la tentation et frémissait à l’idée de commettre une lâcheté ; mais demain, mais ce soir peut-être il a déjà franchi ce pas, et le plus grossier appât offert à sa jalousie lui servira de prétexte pour fouler aux pieds son amour et pour écouter son ambition. J’ai vu venir l’orage, et, voulant préserver son honneur d’un crime et ma liberté d’un joug, j’ai trouvé un expédient. J’ai été trouver le pape ; j’ai feint une grande exaltation de piété chrétienne ; je lui ai déclaré que je voulais vivre dans le célibat, et j’ai obtenu de lui que, pour ne pas exposer mon héritage à sortir de la famille, Astolphe serait mis en possession à ma place à la mort de mon grand-père. Le pape m’a écouté avec bienveillance ; il a bien voulu tenir compte des préventions de mon grand-père contre Astolphe, et de la nécessité de ménager ces