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les choses sous leurs divers aspects, je m’étonne un peu que, ne croyant pas à la sainteté de l’église catholique, vous ayez songé à provoquer cet engagement, auquel Gabrielle, dites-vous, n’a jamais songé, et auquel vous me chargez de la faire consentir.

ASTOLPHE.

Vous savez que je suis sincère, monsieur l’abbé Chiavari ; je ne puis vous cacher la vérité, puisque vous me la demandez. Je suis horriblement jaloux. J’ai été injuste, emporté, j’ai fait souffrir Gabrielle, et vous avez reçu ma confession entière à cet égard. Elle m’a quitté pour me punir d’un soupçon outrageant. Elle m’a pardonné pourtant, et elle m’aime toujours, puisqu’elle a employé mystérieusement plusieurs moyens ingénieux pour me conserver l’espoir et la confiance. Ce billet que j’ai reçu encore la semaine dernière, et qui ne contenait que ce mot : « Espère ! » était bien de sa main, l’encre était encore fraîche. Gabrielle est donc ici ! Oh ! oui, j’espère ! je la retrouverai bientôt, et je lui ferai oublier tous mes torts. Mais l’homme est faible, vous le savez ; je pourrai avoir de nouveaux torts par la suite, et je ne veux pas que Gabrielle puisse me quitter si aisément. Ces épreuves sont trop cruelles, et je sens qu’un peu d’autorité, légitimée par un serment solennel de sa part, me mettrait à l’abri de ses réactions d’indépendance et de fierté.

LE PRÉCEPTEUR.

Ainsi, vous voulez être le maître ? Si j’avais un conseil à vous donner, je vous dissuaderais. Je connais Gabriel : on a voulu que j’en fisse un homme ; je n’ai que trop bien réussi. Jamais il ne souffrira un maître ; et ce que vous n’obtiendrez pas par la persuasion, vous ne l’obtiendrez jamais. Il était temps que mon préceptorat finit. Croyez-moi, n’essayez pas de le ressusciter, et surtout ne vous en chargez pas. Gabriel fuirait encore ce qu’il a déjà