Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée

moi, il en a pour longtemps encore. Ce n’est point un homme à mourir si aisément. Mais désirons-nous donc sa mort ? Quels que soient ses torts envers nous deux (et je crois bien que les plus graves ont été envers celui qu’il semblait favoriser au détriment de l’autre), nous ne hâterons point par des vœux impies l’instant suprême où il lui faudra rendre un compte sévère de la destinée de ses enfants. Puisse-t-il trouver là-haut un juge aussi indulgent que nous, n’est-ce pas, Astolphe ? Tu ne m’écoutes pas ?

ASTOLPHE.

Il est vrai ; tu deviens chaque jour plus philosophe, Gabrielle ; tu argumentes du soir au matin comme un académicien de la Crusca. Ne saurais-tu être femme, du moins pendant trois mois de l’année ?

GABRIELLE, souriant.

C’est qu’il y a bien longtemps que ces trois mois-là sont passés, Astolphe. Le premier trimestre eut bien trois mois, mais le second en eut six, et l’an prochain je crains que, malgré nos conventions, le trimestre n’envahisse toute l’année. Donne-moi le temps de m’habituer à être aussi femme qu’il me faut l’être à présent pour te plaire. Jadis tu n’étais pas si difficile avec moi, et je n’ai pas songé assez tôt à me défaire de mon langage d’écolier. Tu aurais dû m’avertir, dès le premier jour où tu m’as aimée, qu’un temps viendrait où il serait nécessaire de me transformer pour conserver ton amour !

ASTOLPHE.

Ce reproche est injuste, Gabrielle ! Mais quand il serait vrai, ne me suis-je pas transformé, moi, pour mériter et conserver l’affection de ton cœur ?

GABRIELLE.

Il est vrai, mon cher ange, et je ne demande pas mieux que d’avoir tort. J’essaierai de me corriger.