Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée

temps de l’importance de son rôle dans la famille et du mérite avec lequel elle s’en est acquittée, elle songe beaucoup plus à maintenir ses prérogatives qu’à donner du bonheur à ceux qui l’entourent. Elle est de ces personnes qui passeront volontiers la nuit à raccommoder vos chausses, et qui d’un mot vous briseront le cœur, pensant que la peine qu’elles ont prise pour vous rendre un service matériel les autorise à vous causer toutes les douleurs de l’âme.

GABRIELLE.

Astolphe ! tu juges ta mère avec une bien froide sévérité. Hélas ! je vois que les meilleurs d’entre les hommes n’ont pour les femmes ni amour profond ni estime complète. On avait raison quand on m’enseignait si soigneusement dans mon enfance que ce sexe joue sur la terre le rôle le plus abject et le plus malheureux !

ASTOLPHE.

Ô mon amie ! c’est mon amour pour toi qui me donne le courage de juger ma mère avec cette sévérité. Est-ce à toi de m’en faire un reproche ? T’ai-je donc autorisée à plaindre si douloureusement la condition où je t’ai rétablie.

GABRIELLE, l’embrassant avec effusion.

Oh ! non, mon Astolphe, jamais ! Aussi je ne pense pas à moi quand je parle avec cette liberté des choses qui ne me regardent pas. Permets-moi pourtant d’insister en faveur de ta mère : ne la plonge pas dans le désespoir, ne la quitte pas à cause de moi.

ASTOLPHE.

Si je ne le fais pas aujourd’hui, elle m’y forcera demain. Tu oublies, ma chère Gabrielle, que tu es vis-à-vis d’elle dans une position délicate, et que tu ne pourras jamais la satisfaire sur ce qu’elle a tant à cœur de connaître : ton passé, ta famille, ton avenir.