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jean ziska.

intelligence votre cœur se développât plus librement que celui des hommes, et que vous conservassiez le feu sacré de l’amour, les trésors du dévouement, les charmes attendrissants de l’incurie romanesque et du désintéressement aveugle. Voilà pourquoi, pauvres femmes, nobles êtres qu’il n’a pas été au pouvoir de l’homme de dégrader, voilà pourquoi l’histoire de l’hérésie doit vous intéresser et vous toucher particulièrement ; car vous êtes les filles de l’hérésie, vous êtes toutes des hérétiques ; toutes vous protestez dans votre cœur, toutes vous protestez sans succès. Comme celle de l’Église protestante de tous les siècles, votre voix est étouffée sous l’arrêt de l’Église sociale officielle. Vous êtes toutes par nature et par nécessité les disciples de saint Jean, de saint François, et des autres grands apôtres de l’idéal. Vous êtes toutes pauvres à la manière des éternels disciples du paupérisme évangélique ; car, suivant la loi du mariage et de la famille, vous ne possédez pas ; et c’est à cette absence de pouvoir et d’action dans les intérêts temporels, que vous devez cette tendance idéaliste, cette puissance de sentiment, ces élans d’abnégation qui font de vos âmes le dernier sanctuaire de la vérité, les derniers autels pour le sacrifice.

J’essaierai donc de vous faire l’histoire de l’hérésie au point de vue du sentiment, parce que le sentiment est la porte de votre intelligence.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a aujourd’hui une grande lutte engagée dans le monde entre les riches et les pauvres, entre les habiles et les simples, entre le grand nombre qui est faible encore par ignorance, et le petit nombre qui l’exploite par ruse et par force. Vous savez qu’au milieu de cette lutte dont la continuité serait contraire aux desseins de Dieu, des idées profondes ont surgi ; qu’elles ont pris toutes les formes, même celles de l’erreur et de la folie : enfin, que mille sectes philosophi-