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honteux, et ton sourire mélancolique dont la candeur contrastait avec l’impudence mal replâtrée de toutes ces bacchantes !… J’étais ébloui ! Ô puissance de la beauté et de l’innocence ! cette orgie était devenue paisible et presque chaste ! Les femmes voulaient imiter ta réserve, les hommes étaient subjugués par un secret instinct de respect ; on ne chantait plus les stances d’Arélin, aucune parole obscène n’osait plus frapper ton oreille… J’avais oublié complètement que tu n’es pas une femme… J’étais trompé tout autant que les autres. Et alors ce fat d’Antonio est venu, avec son œil aviné et ses lèvres toutes souillées encore des baisers de Faustina, te demander un baiser que, moi, je n’aurais pas osé prendre… Alors mille furies se sont allumées dans mon sein : je l’aurais tué certainement, si on ne m’eût tenu de force, et je l’ai provoqué… Et à présent que je suis dégrisé, tout en m’étonnant de ma folie, je sens qu’elle serait prête à renaître, si je le voyais encore auprès de toi.

GABRIEL.

Tout cela est l’effet de l’excitation du souper. La morale fait bien de réprouver ces sortes de divertissements. Tu vois qu’ils peuvent allumer en nous des feux impurs, et dont la seule idée nous eût fait frémir de sang-froid. Ce jeu a duré trop longtemps, Astolphe ; je vais me retirer et dépouiller ce dangereux travestissement pour ne jamais le reprendre.

ASTOLPHE.

Tu as raison, mon Gabriel. Va, je te rejoindrai bientôt.

GABRIEL.

Je ne m’en irai pourtant pas sans que tu me promettes de renoncer à cette folle querelle et de faire la paix avec Antonio. J’ai chargé la Faustina de le détromper. Tu vois qu’il ne vient pas au rendez-vous, et qu’il se tient pour satisfait.