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et le malheur à la place de l’union, des sympathies et du bonheur domestique.

ASTOLPHE.

C’est bien parler. À ce compte, j’accepte votre amitié. Mais ne vous ferez-vous pas un mauvais parti avec le vieux prince mon grand-oncle, si vous me fréquentez ?

GABRIEL.

Très-certainement cela arrivera.

ASTOLPHE.

En ce cas, restons-en là, croyez-moi. Je vous remercie de vos bonnes intentions : comptez que vous aurez en moi un parent plein d’estime, toujours disposé à vous rendre service, et désireux d’en trouver l’occasion ; mais ne troublez pas votre vie par une amitié romanesque où tout le profit et la joie seraient de mon côté, où toutes les luttes et tous les chagrins retomberaient sur vous. Je ne ne le veux pas.

GABRIEL.

Et moi, je le veux, Astolphe ; écoutez-moi. Il y a huit jours j’étais encore un enfant : élevé au fond d’un vieux manoir avec un gouverneur, une bibliothèque, des faucons et des chiens, je ne savais rien de l’histoire de notre famille et des haines qui ont divisé nos pères ; j’ignorais jusqu’à votre nom, jusqu’à votre existence. On m’avait élevé ainsi pour m’empêcher, je suppose, d’avoir une idée ou un sentiment à moi ; et l’on crut m’inoculer tout à coup la haine et l’orgueil héréditaires, en m’apprenant, dans une grave conférence, que j’étais, moi enfant, le chef, l’espoir, le soutien d’une illustre famille, dont vous étiez, vous, l’ennemi, le fardeau, la honte.

ASTOLPHE.

Il a dit cela, le vieux Jules ? Ô lâche insolence de la richesse !