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des crimes qui font l’horreur et la honte de l’humanité. Eh bien, qu’avez-vous à me regarder ainsi, mon cher maître ? vous voilà tout troublé ! Ne m’avez-vous pas nourri de l’histoire des grands hommes et des lâches ? Ne m’avez-vous pas toujours montré l’héroïsme et la franchise aux prises avec la perfidie et la bassesse ? Êtes-vous étonné qu’il m’en soit resté quelque notion de justice, quelque amour de la vérité ?

LE PRÉCEPTEUR.

Gabriel, vous avez raison ; mais, pour l’amour du ciel, soyez moins tranchant et moins hardi en présence de votre aïeul.

(On remue avec impatience dans le cabinet.)
GABRIEL, à voix haute.

Tenez, l’abbé, j’ai meilleure opinion de mon grand-père ; je voudrais qu’il m’entendît. Peut-être sa présence va m’intimider ; je serais bien aise pourtant qu’il pût lire dans mon âme, et voir qu’il se trompe, depuis deux ans, en m’envoyant toujours des jouets d’enfant.

LE PRÉCEPTEUR.

Je le répète, vous ne pouvez comprendre encore quelle a été sa tendresse pour vous. Ne soyez point ingrat envers le ciel ; vous pouviez naître déshérité de tous ces biens dont la fortune vous a comblé, de tout cet amour qui veille sur vous mystérieusement et assidûment…

GABRIEL.

Sans doute je pouvais naître femme, et alors adieu la fortune et l’amour de mes parents ! J’eusse été une créature maudite, et, à l’heure qu’il est, j’expierais sans doute au fond d’un cloître le crime de ma naissance. Mais ce n’est pas mon grand-père qui m’a fait la grâce et l’honneur d’appartenir à la race mâle.

LE PRÉCEPTEUR

Gabriel, vous ne savez pas de quoi vous parlez.