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jean ziska.

rites un souvenir sacré, et à la Bohême un nom illustre. Il mourut de la peste qui était dans son armée, aux confins de la Bohême et de la Moravie, le 11 octobre 1424. Les uns disent qu’en mourant il ordonna à ses gens de livrer son corps aux corbeaux, aimant mieux passer dans les oiseaux du ciel que dans les vers du sépulcre ; d’autres, qu’il leur commanda de l’écorcher, et de faire un tambour de sa peau, leur prédisant que le son de ce tambour suffirait pour jeter l’épouvante dans les rangs ennemis ; et que là où serait la peau de Ziska, là aussi serait la victoire[1]. Notre auteur met cette version au rang des fables, et j’avais regret à cette circonstance si poétique et si conforme à l’esprit du temps, lorsque je me suis rappelé que Frédéric le Grand assurait, en vers et en prose, dans une lettre à Voltaire, avoir pris ce trésor à Prague, et l’avoir emporté à Berlin. M. Lenfant est mort lorsque Frédéric n’était encore que prince royal, c’est-à-dire longtemps avant ses premières conquêtes en Saxe et en Bohême. Nous pouvons donc croire que cette relique conduisit encore les Taborites à la victoire sous le grand Procope, et qu’elle fut respectée jusqu’au moment où elle fut reléguée parmi les curiosités d’un musée national. La massue de Ziska a joué son rôle longtemps après lui. L’empereur Ferdinand Ier vit cette grande masse de fer pendue auprès d’un tombeau, et pensant que ce devait être la sépulture de quelque héros, il ordonna à ses courtisans de lui lire l’épitaphe. Personne ne fut assez hardi pour le faire, et il lut lui-même le nom de Ziska. Fi, fi ! dit l’Empereur en reculant, cette mauvaise bête, toute morte qu’elle est depuis un siècle, fait encore peur aux vivants ! Là-dessus, il sortit de l’église, et fit atteler

  1. Ses amis, dit Krautzius, firent ce qu’il leur avait ordonné et trouvèrent ce qu’il leur avait promis.