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jean ziska.

de bataille, « entre lesquels il y avait un grand nombre de seigneurs de Bohême. Cette action se passa le 8 juin 1424. »

Ziska marche aussitôt à Cuttemberg, que ceux de Prague avaient relevée après l’incendie ordonné par Sigismond. Ziska la brûle de nouveau, et se rend à Klattaw qui l’appelait avec impatience. Une seconde victoire à peu près semblable, par ses manœuvres et ses résultats, à celles des montagnes de Maleschaux, amène enfin Ziska aux portes de Prague, et cette fois avec la résolution et la certitude de s’en rendre maître.

Mais au moment de tourner leurs armes contre la métropole, contre la mère de la patrie, les gentilshommes de l’armée taborite se sentirent effrayés, et reculèrent devant leur entreprise. Les soldats, émus par leurs discours, hésitèrent. Il y avait comme un vague soupçon que Ziska n’agissait plus que pour satisfaire son orgueil, et venger un affront personnel. Pour apaiser le tumulte, le redoutable aveugle monta sur un tonneau de bière, et les harangua ainsi : « Pourquoi murmurez-vous contre moi, ô mes compagnons, contre moi qui vous défends tous les jours au péril de ma vie ? Suis-je votre chef ou suis-je votre ennemi ? Vous ai-je jamais conduits quelque part d’où vous ne soyez sortis vainqueurs ? Qui vous a fait gagner encore vos dernières batailles, si ce n’est moi ? Vous êtes riches, vous avez acquis de la gloire sous ma conduite ; et moi, pour récompense de tous mes travaux, j’ai perdu la vue, et je ne puis plus agir que par le secours de vos yeux. Je ne m’en repens pas, si vous voulez me seconder encore. Je ne veux point la perte de Prague, et ne pense pas non plus que ses habitants soient altérés du sang du vieux chien aveugle. C’est du vôtre qu’ils ont soif. Ils redoutent vos mains invincibles et vos cœurs intrépides.