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jean ziska.

ser par les électeurs du saint-empire, dans l’espérance de lui succéder ; mais il fut déçu dans son ambition, et la diète choisit Rupert, électeur palatin, entre plusieurs concurrents, dont l’un fut assassiné par les autres. Cette élection ne fut pas généralement approuvée. Aix-la-Chapelle refusa de conférer à Rupert le titre de roi des Romains ; plusieurs autres villes du saint-empire reculèrent devant la violation du serment qu’elles avaient prêté au successeur légitime de Charles IV[1]. Une partie des domaines impériaux paya les subsides à Wenceslas, l’autre à Rupert. Sigismond brocha sur le tout, inonda la Bohême de ses garnisons et la désola de ses brigandages, s’arrogeant la souveraineté effective en attendant mieux, persécutant son frère dans l’intérieur de son royaume, soulevant la nation contre lui, et s’efforçant d’user les derniers ressorts de cette volonté déjà morte. Ainsi rien ne ressemblait plus à la papauté que l’Empire, puisqu’on vit vers le même temps trois papes se disputer la tiare, et trois empereurs s’arracher le sceptre des mains. Et l’on peut dire aussi que rien ne ressemblait plus à la France que la Bohême. A l’une un roi fainéant, poltron, ivrogne, abruti ; à l’autre un pauvre aliéné, moins odieux et aussi impuissant. À la France, les dissensions des Armagnacs et des Bourgognes, et la fureur du peuple entre deux. À la Bohême, les ravages de Sigismond, la résistance à la fois molle et cruelle de la cour, et la voix du peuple, au nom de Jean Huss, précipitant l’orage. Mais là fut grande cette voix du peuple, que trop de malheurs et de divisions étouffaient chez nous sous le bâillon de L’étranger.

Wenceslas s’était rendu odieux dès le principe par ses mœurs brutales et son inaction. En 1384, quelques seigneurs s’étant déclarés ouvertement contre lui, il appela

  1. Mort en 1378.