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jean ziska.

renard au bout d’un bâton, en lui recommandant, par dérision, de chasser les mouches. Les assiégeants ne tinrent compte de la présence de ce malheureux, et n’en battirent la tour qu’avec plus de fureur. Mais aucun de leurs coups n’atteignit la victime, et les assiégés, frappés de superstition en voyant cette rare fortune, la délièrent et lui rendirent la liberté. En automne on fit une trêve de quelques jours, et les assiégés, ayant invité quelques-uns des assiégeants à leur rendre visite, ils les régalèrent splendidement, pour leur faire croire qu’ils avaient des vivres en abondance, bien qu’ils fussent au bout de leurs provisions. Ceux de Prague s’imaginèrent qu’ils en recevaient par des conduits souterrains. Un jour les assiégés feignirent de célébrer une noce. « On n’entendait que flûtes et bruits de gens qui sautaient et dansaient, quoiqu’il n’y eût ni époux ni épouse, et qu’ils n’eussent pas même du pain noir à manger. » Enfin il leur arriva de n’avoir plus qu’un pauvre bouc, qu’on laissait grimper sur les murailles pour faire croire qu’on avait du bétail. Il fallut pourtant le tuer, et quand on l’eut mangé, sa peau fut envoyée en présent au capitaine de ceux de Prague, qui était tailleur, pour le remercier de sa trêve. Il faisait très-froid, et les Praguois avaient grand désir de retourner à leurs foyers. Ils vouèrent les assiégés au diable, seul capable d’en venir à bout, et abandonnèrent l’entreprise, ce dont Coribut fut fort mortifié. La garnison stoïque et facétieuse de Carlstein fit plusieurs décharges de ses machines, en l’honneur du bouc qui l’avait sauvée.

Pendant ce siège, une grosse armée allemande, commandée par des archevêques, des électeurs et des princes du saint-empire, avait voulu pénétrer en Bohême pour délivrer ceux de Carlstein. Il lui fallut d’abord assiéger Plawen, où on lança quantité de pigeons et de moineaux