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jean ziska.

qu’elle était picarde, c’est-à-dire qu’elle ne croyait pas à la présence réelle[1]. Ce dogme catholique eût donc peut-être été abjuré à cette époque par toutes les nations, si la conjuration taborite eût triomphé en Bohême. Mais les temps n’étaient pas mûrs. Le peuple n’était pas assez fort pour triompher des hautes classes, et les hautes classes ne se sentaient pas ou ne se croyaient pas assez fortes pour triompher des souverains, lesquels, à leur tour, n’osaient pas lutter contre l’Église. Le dogme populaire devait donc échouer là, et, après d’héroïques efforts, périr en laissant après lui une mystérieuse propagande, impuissante pour quelque temps encore contre les dogmes officiels.

Nous laisserons à Martin Loquis, à Jean le Prémontré, et à leurs nombreux adeptes, le surnom de Picards, sans nous préoccuper des pédantesques dissertations qu’on pourrait faire sur cette matière. Ce serait le droit d’un historien de leur inventer un nom qui exprimât leur véritable croyance ; mais je ne puis m’arroger ce droit, et, pour rester clair, je laisserai ce nom, qui fut si injurieux et qui ne l’est plus, à ces martyrs de la vérité.

« Cependant, que ferons-nous donc, dit M. de Beau-

  1. Jean Huss croyait à cette présence réelle. Lors de la première grande communion des Taborites eu pleine campagne, au début de la révolution, presque tous étaient à peu près Calixtins. Mais la conférence de Prague et la prophétie taborite montrent qu’en peu de temps on s’était désabuse de ce dogme. La négation de la présence réelle fit de continuels progrès. Contenue par Ziska, elle éclata après sa mort, et tout le Taborisme fut Picard, anti-adorateur de l’Eucharistie. Ziska ne sut jamais ou ne voulut jamais savoir combien il avait de Picards dans son armée. Les villes sacrées de la prédiction qui, en tout temps, lui furent d’un si héroïque secours, étaient d’origine vaudoise. Elles avaient embrassé le Joannisme dès le douzième siècle, en donnant asile aux Vaudois fugitifs persécutés en France.