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jean ziska.

tout un royaume, ou si le même rétablissement était un assez grand crime pour attirer une si furieuse tempête sur les Bohémiens, c’est une question de droit, une controverse de religion qui n’est pas de mon ressort. » Permis à l’auteur de trente-deux ouvrages de poids, au ministre protestant prédicateur de la reine de Prusse, de donner sa démission d’être pensant, tout en écrivant à grand renfort de mémoires et de documents l’histoire au dix-huitième siècle : mais il n’est pas permis aujourd’hui au plus mince de nos écoliers d’en prendre ainsi son parti, et de déclarer que nos aïeux étaient tous fous de se mettre en combustion pour de telles fadaises. Le rétablissement ou le retranchement de la coupe était la question vitale de l’Église constituée comme puissance politique. C’était aussi la question vitale de la nationalité bohémienne constituée comme société indépendante. C’était enfin la question vitale des peuples constitués comme membres de l’humanité, comme êtres pensants civilisés par le christianisme, comme force ascendante vers la conquête des vérités sociales que l’Évangile avait fait entrevoir. Les Taborites, en rejetant le dogme de la présence réelle, entendu d’une façon objective et idolâtrique, proclamaient un principe logique. Ils se débarrassaient du miracle clérical, du joug de l’Église, qui, depuis Grégoire VII, infidèle à sa mission spirituelle, s’appesantissait sur le front des enfants de Jésus-Christ. Les Calixtins, en ne réclamant que leur communion sous les deux espèces, et en refusant d’aborder le fond de la question, devaient perdre peu à peu la sympathie et le concours des masses, et faire avorter enfin une révolution qu’ils n’avaient entreprise et soutenue qu’au profit des castes privilégiées.