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femme opulente et belle, reniant les faux biens et parlant comme une sainte ! J’étais bouleversé. Elle a vu mon émotion, elle m’en a su gré.

« Je vous connais à peine, m’a-t-elle dit, et pourtant je vous parle comme je ne pourrais et je ne voudrais parler à aucune autre personne, parce que je sens que vous seul comprenez ce que je pense. »

Pour faire diversion à mon attendrissement, qui devenait excessif, elle m’a parlé du livre qu’elle tenait à la main.

« Il n’a pas compris les femmes, ce sublime Rousseau, disait-elle. Il n’a pas su, malgré sa bonne volonté et ses bonnes intentions, en faire autre chose que des êtres secondaires dans la société. Il leur a laissé l’ancienne religion dont il affranchissait les hommes ; il n’a pas prévu qu’elles auraient besoin de la même foi et de la même morale que leurs pères, leurs époux et leurs fils, et qu’elles se sentiraient avilies d’avoir un autre temple et une autre doctrine. Il a fait des nourrices croyant faire des mères. Il a pris le sein maternel pour l’âme génératrice. Le plus spiritualiste des philosophes du siècle dernier a été matérialiste sur la question des femmes. »

Frappé du rapport de ses idées avec les miennes, je l’ai fait parler beaucoup sur ce sujet. Je lui ai