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et dépouillé de feuilles, ressemble à un bijou de joaillerie, et la rose du Bengale s’entr’ouvre gaiement et sans crainte au milieu des morsures du verglas.

Ce matin j’ai remarqué qu’on avait enlevé les portes du rez-de-chaussée, et qu’on pouvait traverser ce local en décombre pour arriver au jardin. Je l’ai fait machinalement, et j’ai pénétré dans cet Éden solitaire où les bruits des rues voisines arrivent à peine. Je pensais à ces vers de Boileau sur les aises du riche citadin :

     Il peut, dans son jardin tout peuplé d’arbres verts
     Retrouver les étés au milieu des hivers,
     Et foulant le parfum de ses plantes chéries,
     Aller entretenir ses douces rêveries.

Et j’ajoutais en souriant sans jalousie :

     Mais moi, grâce au destin, qui n’ai ni feu ni lieu,
     Je me loge où je puis comme il plaît à Dieu.

Je venais de faire le tour de cet enclos, non sans effaroucher les merles qui pullulent dans les jardins de Paris et qui se levaient en foule à mon approche, lorsque j’ai trouvé, le long du mur mitoyen, une petite porte ouverte, donnant sur le grand jardin de ma riche voisine. Il y avait là une brouette