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pour moi comme un châtiment céleste pour des fautes que je n’ai pourtant pas conscience d’avoir commises. Elle a cru m’aimer encore, elle croit m’avoir toujours aimé, elle veut que je l’aime ; elle le dit, du moins, elle se le persuade peut-être, et elle me le persuade à moi-même. Ma destinée bizarre la jette dans ma vie comme un devoir, et je l’accepte. Ne dit-elle pas que si je l’abandonne elle est perdue, rendue à l’égarement du vice, au mal du désespoir ? Et à voir comme cette belle âme est agitée, je ne saurais douter des périls qui la menacent si je ne lui sers d’égide !… Eh bien, mon Dieu, faites donc que dans l’accomplissement d’un devoir il y ait une joie… un repos, du moins, quelque chose qui nous donne la force de persévérer et qui nous avertisse que vous êtes content de nous ! Malheureux humains que nous sommes[1] ! si nous sentions cela, du moins ! si nos pensées pouvaient s’élever assez par l’exaltation de la prière, pour arracher à la vérité éternelle un reflet de sa clarté, un rayon de sa chaleur, une étincelle de sa vie ! Mais nous ne savons rien ! nous nous traînons dans les ténèbres, incertains si c’est le mal ou le bien qui s’accomplit

  1. On sait que c’est le premier vers du fameux quatrain de J.-J. Rousseau.