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d’elle qu’à la condition de souffrir mortellement.

Eh bien, mon Dieu, j’ai accepté cela encore ! Elle s’est arrachée de mes bras, et je l’ai perdue sans amertume, sans ressentiment ; j’ai consenti à l’attendre, à la retrouver, et, pendant des années, je l’ai aimée dans la douleur et dans la pitié, sans certitude… que dis-je ? sans espoir d’être aimé ? Et pendant ces sombres et lentes années, abattu, mais non brisé, triste, mais non irrité, j’élevais mon âme selon mes forces, à la contemplation des vérités éternelles. Je vivais dans la pureté, j’essayais de répandre autour de moi l’amour du bien, je ne cherchais la récompense de mes humbles travaux que dans les charmes enthousiastes de l’étude. Et puis, lorsque de secrètes douleurs, ignorées de tous, à peine avouées par moi-même, sont venues me troubler, j’ai refoulé mon mal bien avant dans ma poitrine, je ne me suis pas plaint, j’ai respecté le calme sublime d’un autre cœur dont la possession m’eût fait oublier toute ma pâle et morne existence, en vain immolée à une femme orgueilleuse et coupable… Cette fois encore j’ai aimé en silence, et l’indifférence ne m’a pas trouvé plus audacieux et plus vain que n’avait fait le parjure et l’ingratitude…