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mais douloureux. Il lui fallait bien aimer Alice, et elle sentait qu’elle l’aimait plus encore que durant l’accès d’exaltation qu’elle avait éprouvé la veille en recevant les premières ouvertures de son amitié. Mais le fantôme de Jacques Laurent avait passé entre elles deux, et il y avait eu de la haine mêlée à ce premier élan de son cœur vers une rivale. Maintenant le respect brisait la jalousie. L’orgueil abattu ne trouvait plus d’ivresse dans la reconnaissance. Alice n’était plus là comme une fée qui l’enlevait à la terre, mais comme une sœur de la Charité qui sondait ses plaies. La fière malade ne pouvait repousser cette main généreuse ; mais elle avait honte d’avouer qu’elle avait plus besoin de secours et de pardon que de justice.

Alice écarta avec une sorte d’autorité les mains de la courtisane et vit la confusion sur ce front que les outrages réunis de tous les hommes n’eussent pas pu faire rougir.

— Eh bien, lui dit-elle, si vous n’êtes pas sûre de vous-même, attendez pour me répondre. J’aurai du courage et je ne me rebuterai pas.

— Je ne venais pas pour vous imposer la confiance et l’amitié. Je venais vous les offrir et vous les demander.

— Et moi, je vous donne toute mon âme, lui répondit