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force d’être sincère. Ah ! Madame, que vous êtes belle au jour, que votre air de bonté me pénètre, et que votre manière d’être avec moi me rend heureuse ! Vous ne partagez donc pas l’animosité de votre famille contre moi ? Vous n’avez donc pas le sot et féroce orgueil des femmes du grand monde ?

— Ne parlons ni de ma famille, ni des femmes du monde : vous ne les connaissez pas encore, et peut-être n’aurez-vous pas tant à vous en plaindre que vous le croyez. Que vous importe, d’ailleurs, l’opinion de ceux qui, de leur côté, vous jugeraient ainsi sans vous connaître ? Oubliez un peu tout ce qui se meut en dehors de votre véritable vie, comme je l’oublie, moi aussi ; même quand je suis forcée de le traverser. Pensez un peu à moi, et laissez-moi ne penser qu’à vous. Dites-moi, croyez-vous que vous pourrez m’aimer ?

Cette question était faite avec une sorte de sévérité où la franchise impérieuse se mêlait à la cordiale bienveillance. Isidora essaya de se récrier sur la cruauté d’un tel doute ; mais le regard ferme et bon d’Alice semblait lui dire : Pas de phrase ! je mérite mieux de vous. Et Isidora, sentant tout à coup le poids de cette âme supérieure tomber sur la sienne, fut saisie d’un malaise qui ressemblait à la peur.