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de l’amour, qui lui plaisait davantage, parce qu’en effet il était davantage dans ses bons instincts ; et l’imagination, cette maîtresse toute-puissante de son cerveau, qui lui tenait lieu du cœur éteint et des sens blasés, déploya ses ailes pour l’emporter loin du domaine de la réalité. Jacques, entraîné dans son tourbillon, perdait pied et se sentait comme soulevé par l’ouragan dans ce monde rempli de fantômes et d’abîmes.

Cette Isidora si séduisante, si belle et si violemment éprise de lui, n’était elle pas la même femme qu’il avait aimée avec enthousiasme, puis avec délire, puis enfin avec de profonds déchirements de cœur, longtemps encore après avoir été brusquement séparé d’elle ? Nous n’oserions pas dire que six mois encore avant cette nouvelle rencontre, Jacques, au moment d’aimer Alice, qu’il connaissait à peine, n’eût pas éprouvé d’énergiques retours de l’ancienne et unique passion. C’était bien plutôt lui qui eût pu, s’il eût été disposé à se vanter de sa fidélité, raconter à Isidora qu’il avait langui et souffert pour elle durant presque toute cette absence, et ce roman de son cœur eut été beaucoup plus authentique que celui qu’elle venait de faire sortir de son propre cerveau.

Pourtant je ne sais quel doute obstiné se mêlait à