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un pareil respect ! Le nom de votre idole vous paraît souillé dans ma bouche, et son image dans ma pensée ! Vous n’êtes pas habile, Jacques ; vous ne savez pas que les femmes comme moi sont impossibles à tromper sur ce point. Le respect, c’est l’amour ! En vain vous faites une distinction affectée de ces deux mots : quiconque n’aime pas, méprise, quiconque aime vénère ; il n’y a pas deux poids et deux mesures pour connaître le véritable amour. Moi aussi j’ai été aimée une fois dans ma vie ; est-ce que vous l’avez oublié, Jacques ? Et comment l’ai-je su ? c’est parce qu’on ne le disait pas, c’est parce qu’on n’eût jamais osé me l’avouer, c’est enfin parce qu’on me respectait. Et cela se passait ici, il y a trois ans ; c’est ici que, sur ce banc, osant à peine effleurer mon vêtement, et frémissant de crainte quand, en touchant ces fleurs, votre main rencontrait la mienne, vous seriez mort plutôt que de vous déclarer, vous seriez devenu fou plutôt que de vous avouer à vous-même que vous m’aimiez… Mais voilà que vous êtes devenu un homme civilisé à mon égard, c’est-à-dire que vous me méprisez, et que vous exaltez devant moi une autre femme ! C’est tout simple, Jacques, c’est tout simple, vous ne m’aimez plus et vous l’aimez… Je m’en doutais, je le sais à présent.