Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans le cœur de l’homme et de la femme ! Mais où est la place de l’amour dans notre société, dans notre siècle surtout ? Il faut que les âmes fortes se fassent à elles-mêmes leur code moralisateur, et cherchent l’idéal à travers le sacrifice, qui est une espèce de suicide ; ou bien il faut que les âmes troublées succombent, privées de guide et de secours, à toutes les tentations fatales qui sont un autre genre de suicide.

Alice se sentit frémir de la tête aux pieds en rencontrant le regard enivré de Jacques ; mais la femme est la plus forte des deux dans ce genre de combat ; elle peut gouverner son sang jusqu’à l’empêcher de monter à son visage. Elle peut souffrir aisément sans se trahir, elle peut mourir sans parler. Et puis cette souffrance a son charme, et les amants la chérissent. Ces palpitations brûlantes, ces désirs et ces terreurs, ces élans immenses et ces strangulations soudaines, tout cela est autant d’aiguillons sous lesquels on se sent vivre, et l’on aime une vie pire que la mort. Il est doux, quand les vœux sont exaucés, de se rencontrer, de se retracer l’un à l’autre ce qu’on a souffert, et parfois alors on le regrette ! mais il est affreux de se le cacher éternellement et de s’être aimés en vain. Entre l’ivresse