Page:Sand - Histoire du veritable Gribouille.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
DE GRIBOUILLE

rée, car c’est pour vous qu’on a fait tout ce massacre. Profitez-en, mangez, prenez, pillez, tuez, allez donc ! »

Et il le lança au fond de la ruche, qui était devenue un lac de sang. Gribouille s’agita pour en sortir, et, roulant le long du chêne, il alla tomber dans la capitale des fourmis, où à l’instant même il fut saisi par trente millions de paires de pinces qui le tenaillèrent si horriblement, qu’il fit un grand cri et s’éveilla. Mais, en ouvrant les yeux, il ne vit plus rien que de très vraisemblable : le chêne s’était refermé, la fourmilière avait disparu, quelques abeilles voltigeaient discrètement sur le serpolet, quelques frelons buvaient les gouttelettes d’eau que le ruisseau faisait jaillir sur les feuilles de ses rives, et M. Bourdon, aussi tranquille qu’à l’ordinaire, regardait Gribouille en ricanant.

« Eh bien, monsieur l’endormi, lui dit-il, voilà comme vous prenez votre première leçon ? vous vous abandonnez au sommeil pendant que je vous explique les lois de la nature ?

— Je vous en demande bien pardon, répondit Gribouille encore tout saisi d’horreur. Ce n’est pas pour mon plaisir