Page:Sand - Histoire du veritable Gribouille.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
HISTOIRE

« Tu m’as rendu un service que je n’oublierai jamais. Va, petit enfant, demande-moi ce que tu voudras, je veux te l’accorder.

— Hélas ! monsieur, répondit Gribouille tout transi de peur, ce que j’aurais à vous demander, vous ne pourrez pas faire que cela soit. Je ne suis pas aimé de mes parents et je voudrais l’être.

— Il est vrai que la chose n’est point facile, répondit le monsieur habillé de noir ; mais je ferai toujours quelque chose pour toi. Tu as beaucoup de bonté, je le sais, je veux que tu aies beaucoup d’esprit.

— Ah ! monsieur, s’écria Gribouille, si, pour avoir de l’esprit, il faut que je devienne méchant, ne m’en donnez point. J’aime mieux rester bête et conserver ma bonté.

— Et que veux-tu faire de ta bonté parmi les méchants ? reprit le gros monsieur d’une voix plus sombre encore et en roulant ses yeux, ardents comme braise.

— Hélas ! monsieur, je ne sais que vous répondre, dit Gribouille de plus en plus effrayé ; je n’ai point d’esprit pour vous parler, mais je n’ai jamais fait de mal à personne : ne me donnez pas l’envie et le pouvoir d’en faire.

— Allons, vous êtes un sot, repartit le monsieur noir. Je vous laisse, je n’ai pas le temps de vous persuader ; mais nous nous reverrons, et, si vous avez quelque chose