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HISTOIRE

grâce à vos bontés, je n’en suis pas moins un simple mortel, et je veux faire part de ma science aux autres mortels. Vous m’avez appris à aimer ; eh bien, je sens que j’aime ces méchants et ces fous qui vont me haïr peut-être, et je vous demande de me reconduire parmi eux. »

La reine embrassa Gribouille, mais elle ne put sourire malgré toute son envie. « Va, mon fils, dit-elle, mon cœur se déchire en te quittant ; mais je t’en aime davantage, parce que tu as compris ton devoir et que ma science a porté ses fruits dans ton âme. Je ne te donne ni talisman, ni baguette pour protéger tes jours contre les entreprises des méchants bourdons, car il est écrit au livre du destin que tout mortel qui se dévoue doit risquer tout, jusqu’à sa vie. Seulement je veux t’aider à rendre les hommes de ton pays meilleurs : je te permets donc de cueillir dans mes prés autant de fleurs que tu en voudras emporter, et chaque fois que tu feras respirer la moindre de ces fleurs à un mortel, tu le verras s’adoucir et devenir plus traitable ; c’est à ton esprit de faire le reste. Quant au roi des bourdons et à ceux de sa famille, il y a longtemps qu’ils seraient corrigés, si cela dépendait de mes fleurs, car, depuis le commencement du monde, ils se nourrissent de leurs sucs les plus doux ; mais cela n’a rien changé à leur caractère brutal, cruel et avide. Préserve-toi donc tant que tu pourras de ces