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main d’abbés que j’avais connus dans mon enfance, et sortant du cerveau de marquis de bonne race, ne m’ont laissé aucun doute sur la haine profonde et l’indignation délirante de l’aristocratie à cette époque. Je crois que le peuple eût pu ne pas s’en mêler, et que, s’il ne s’en fût pas mêlé en effet, la famille de Louis XVI aurait pu avoir le même sort et ne pas prendre rang parmi les martyrs.

Au reste, je regrette fort l’accès de pruderie qui me fit, à vingt ans, brûler la plupart de ces manuscrits. Venant d’une personne aussi chaste, aussi sainte que ma grand’mère, ils me brûlaient les yeux ; j’aurais dû pourtant me dire que c’étaient des documens historiques qui pouvaient avoir une valeur sérieuse. Plusieurs étaient peut-être uniques, ou du moins fort rares. Ceux qui me restent sont connus et ont été cités dans plusieurs ouvrages.

Je crois que ma grand’mère eut une grande admiration pour Necker et ensuite pour Mirabeau. Mais je perds la trace de ses idées politiques à l’époque où la révolution devint pour elle un fait accablant et un désastre personnel.

Entre tous ceux de sa classe, elle était peut-être la personne qui s’attendit le moins à être frappée dans cette grande catastrophe ; et, en fait, en quoi sa conscience pouvait-elle l’avertir qu’elle avait mérité collectivement de subir un châtiment social ? Elle avait adopté la croyance