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dire du mal de moi, et que mon pain ne vaut rien. » « Avant que je visse Rousseau, je venois de lire tout d’une haleine la Nouvelle Héloïse, et, aux dernières pages, je me sentis si bouleversée que je pleurois à sanglots. M. de Francueil m’en plaisantoit doucement. J’en voulois plaisanter moi-même : mais ce jour-là, depuis le matin jusqu’au soir, je ne fis que pleurer. Je ne pouvois penser à la mort de Julie sans recommencer mes pleurs. J’en étois malade, j’en étois laide.

« Pendant cela, M. de Francueil, avec l’esprit et la grâce qu’il savoit mettre à tout, courut chercher Jean-Jacques. Je ne sais comment il s’y prit, mais il l’enleva, il l’amena, sans m’avoir prévenue de son dessein.

« Jean-Jacques avait cédé de fort mauvaise grâce, sans s’enquérir de moi ni de mon âge ne s’attendant qu’à satisfaire la curiosité d’une femme, et ne s’y prêtant pas volontiers, à ce que je puis croire.

« Moi, avertie de rien, je ne me pressois pas de finir ma toilette : j’étois avec Mme d’Esparbès de Lussan, mon amie, la plus aimable femme du monde et la plus jolie, bien qu’elle fût un peu louche et un peu contrefaite. Elle se moquoit de moi parce qu’il m’avoit pris fantaisie depuis quelque temps d’étudier l’ostéologie, et elle faisoit, en riant, des cris affreux, parce