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À chacun suivant ses besoins. C’est une idée assez avancée, je crois, tellement avancée, qu’aujourd’hui encore elle l’est trop pour la cervelle prudente de la plupart de nos penseurs et de nos politiques, et qu’il a fallu à l’illustre historien Louis Blanc un certain courage pour la proclamer et la développer.[1]

Belle et charmante, simple, forte et calme, Mme Dupin finit ses jours à Chenonceaux dans un âge très avancé. La forme de ses écrits est aussi limpide que son ame, aussi délicate, souriante et fraîche que les traits de son visage. Cette forme est sienne, et la correction élégante n’y nuit point à l’originalité. Elle écrit la langue de son temps, mais elle a le tour de Montaigne, le trait de Bayle, et l’on voit que cette belle dame n’a pas craint de secouer la poussière des vieux maîtres. Elle ne les imite pas ; mais elle se les est assimilés, comme un bon estomac nourri de bons alimens.

Il faut encore dire à sa louange que de tous les anciens amis délaissés et soupçonnés par la douloureuse vieillesse de Rousseau, elle est peut-être la seule à laquelle il rende justice dans ses Confessions, et dont il avoue les bienfaits sans amertume. Elle fut bonne, même à Thérèse Levasseur

  1. J’écris ceci en juillet 1847. Qui sait si avant la publication de ces Mémoires, un bouleversement social n’aura pas créé beaucoup de penseurs tres courageux ?