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encore à l’état de manuscrits au château de Chenonceaux. L’ouvrage ne fut point exécuté, à cause de la mort de M. Dupin, et Mme Dupin, par modestie, ne publia jamais ses travaux. Certains résumés de ses opinions, écrits de sa propre main, sous l’humble titre d’Essais, mériteraient pourtant de voir le jour, ne fût-ce que comme document historique à joindre à l’histoire philosophique du siècle dernier. Cette aimable femme est de la famille des beaux et bons esprits de son temps, et il est peut-être beaucoup à regretter qu’elle n’avait pas consacré sa vie à développer et à répandre la lumière qu’elle portait dans son cœur.

Ce qui lui donne une physionomie très particulière et très originale au milieu de ces philosophes, c’est qu’elle est plus avancée que la plupart d’entre eux. Elle n’est point l’adepte de Rousseau. Elle n’a pas le talent de Rousseau ; mais il n’a pas, lui, la force et l’élan de son ame. Elle procède d’une autre doctrine plus hardie et plus profonde, plus ancienne dans l’humanité, et plus nouvelle en apparence au dix-huitième siècle ; elle est l’amie, l’élève ou le maître (qui sait ?) d’un vieillard réputé extravagant, génie incomplet, privé du talent de la forme, et que je crois pourtant plus éclairé intérieurement de l’esprit de Dieu que Voltaire, Helvétius, Diderot et Rousseau lui-même : je parle de l’abbé de Saint-Pierre, qu’on appelait alors dans le monde, le fameux