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secoué dans son système nerveux, revient d’autant plus vite à son débordement d’impétuosité, qu’on l’a plus ébranlé en le matant tout d’un coup. Ma grand’mère savait bien qu’en me subjuguant par une continuité d’observations calmes, elle me plierait à une obéissance instinctive, sans combats, sans larmes, et qui m’ôterait jusqu’à l’idée de la résistance. Ce fut, en effet, l’affaire de quelques jours. Je n’avais jamais eu la pensée d’entrer en révolte contre elle, mais je ne m’étais guère retenue de me révolter contre les autres en sa présence. Dès qu’elle se fut emparée de moi, je sentis qu’en faisant des sottises sous ses yeux, j’encourais son blâme, et ce blâme exprimé si poliment, mais si froidement, me donnait froid jusque dans la moëlle des os. Je faisais une telle violence à mes instincts, que j’éprouvais des frissons convulsifs dont elle s’inquiétait sans les comprendre. Elle avait atteint son but qui était, avant tout, de me rendre disciplinable, et elle s’étonnait d’y être parvenue aussi vite. « Voyez donc, disait-elle, comme elle est douce et gentille ! » Et elle s’applaudissait d’avoir eu si peu de peine à me transformer avec un système tout opposé à celui de ma pauvre mère, tour à tour esclave et tyran.

Mais ma chère bonne maman eut bientôt à s’étonner davantage. Elle voulait être respectée religieusement, et, en même temps, être aimée avec passion. Elle se rappelait l’enfance de son