Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/634

Cette page n’a pas encore été corrigée

déjà aussi bizarre et aussi inconséquent que celui de l’homme. Je trouvais ma grand’mère plus sévère et plus effrayante dans sa douceur que ma mère dans ses emportemens ; jusque-là, je l’avais aimée, et je m’étais montrée confiante et caressante avec elle. De ce moment, et cela dura bien longtemps après, je me sentis froide et réservée en sa présence ; ses caresses me gênaient et me donnaient envie de pleurer, parce qu’elles me rappelaient les étreintes plus passionnées de ma petite mère. Et puis ce n’était pas, avec elle, une vie de tous les instans, une familiarité, une expansion continuelles. Il fallait du respect, et cela me semblait glacial. La terreur que ma mère me causait parfois n’était qu’un instant douloureux à passer. L’instant d’après j’étais sur ses genoux, sur son sein, je la tutoyais, tandis qu’avec la bonne maman c’étaient des caresses de cérémonie, pour ainsi dire. Elle m’embrassait solennellement et comme par récompense de ma bonne conduite ; elle ne me traitait pas assez comme un enfant, tant elle souhaitait me donner de la tenue et me faire perdre l’invincible laisser-aller de ma nature, que ma mère n’avait jamais réprimé avec persistance. Il ne fallait plus se rouler par terre, rire bruyamment, parler berrichon. Il fallait se tenir droite, porter des gants, faire silence ; ou chuchoter bien bas dans un coin, avec Ursulette. À chaque élan de mon organisation on opposait une petite répression bien douce,