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La nature l’avait fait sensible et ardent. Le célibat l’avait rendu personnel ; mais sa personnalité était si aimable, si gracieuse et si séduisante, qu’on était forcé de lui savoir gré de ne pas partager vos peines au point de n’avoir pas la force d’essayer de vous en distraire. C’était le plus beau vieillard que j’aie vu de ma vie. Il avait la peau blanche et fine, l’œil doux et les traits réguliers et nobles de ma grand’mère ; mais il avait encore plus de pureté dans les lignes, et sa physionomie était plus animée. À cette époque, il portait encore des ailes de pigeon bien poudrées et la queue à la prussienne. Il était toujours en culottes de satin noir, en souliers à boucles, et, quand il mettait par dessus son habit sa grande douillette de soie violette piquée et ouatée, il avait l’air solennel d’un portrait de famille.

Il aimait ses aises, et son intérieur était d’un vieux luxe comfortable. Sa table était raffinée comme son appétit. Il était despote et impérieux en paroles ; doux, libéral et faible par le fait.

J’ai souvent pensé à lui, en esquissant le portrait d’un certain chanoine qui a été fort goûté dans le roman de Consuelo : comme lui bâtard d’un grand personnage, il était friand, impatient, railleur, amoureux des beaux-arts, magnifique, candide et malin, en même temps irascible et débonnaire. J’ai beaucoup chargé la ressemblance pour les besoins du roman, et c’est ici le cas de