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Eh bien ! je me rappellerai toujours ce dénoûment comme une des plus pénibles commotions que j’aie ressenties. Ma mère me surprenait au plus fort de mon hallucination, et ces sortes de réveils me causaient toujours un ébranlement moral très douloureux. Les coups ne me faisaient pourtant pas grande impression ; j’en recevais souvent, et je savais parfaitement que ma mère en me frappant, me faisait fort peu de mal. De quelque façon qu’elle me secouât et fît de moi un petit paquet qu’on pousse et qu’on jette sur un lit ou sur un fauteuil, ses mains adroites et souples ne me meurtrissaient pas, et j’avais cette confiance malicieuse qu’ont tous les enfans, que la colère de leurs parens est prudente, et qu’on a plus peur de les blesser qu’ils n’ont peur de l’être. Cette fois, comme les autres, ma mère me voyant désespérée de son courroux me fit mille caresses pour me consoler.

Elle aurait eu tort peut-être avec certains enfans orgueilleux et vindicatifs ; mais elle avait raison avec moi qui n’ai jamais connu la rancune, et qui trouve encore qu’on se punit soi-même en ne pardonnant pas à ceux qu’on aime.

Pour en revenir aux rapports qui s’établirent entre ma mère et ma grand’mère, après la mort de mon père, je dois dire que l’espèce d’antipathie naturelle qu’elles éprouvaient l’une pour l’autre, ne fut jamais qu’à demi vaincue, ou plutôt elle fut vaincue entièrement par intervalles,