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m’avait développée davantage dans ce sens, et je commençai à me sentir subjuguée par cette affection, quand l’idée d’une séparation vint me surprendre au milieu de mon âge d’or.

Je dis mon âge d’or, parce que c’était, à cette époque-là, le mot favori d’Ursulette. Je ne sais où elle l’avait entendu dire, mais elle me le répétait quand elle raisonnait avec moi ; car elle prenait déjà part à mes peines, et, par son caractère plus encore que par les cinq ou six mois qu’elle avait de plus que moi, elle comprenait mieux le monde réel. En me voyant pleurer à l’idée de rester sans ma mère avec ma bonne maman, elle me disait : « C’est pourtant gentil d’avoir une grande maison et un grand jardin comme ça pour se promener, et des voitures, et des robes, et des bonnes choses à manger tous les jours.

Qu’est-ce qui donne tout ça ? C’est le richement. Il ne faut donc pas que tu pleures, car tu auras, avec ta bonne maman, toujours de l’âge d’or et toujours du richement. Et quand je vas voir maman à La Châtre, elle dit que je suis devenue difficile à Nohant, et que je fais la dame. Et moi je lui dis : Je suis dans mon âge d’or, et je prends du richement pendant que j’en ai. » Les raisonnemens d’Ursule ne me consolèrent pas. Un jour sa tante, Mlle Julie, la femme de chambre de ma grand’mère, qui me voulait du bien et qui raisonnait à son point de vue, me dit : Voulez-vous donc retourner dans votre petit