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je ne sais pourquoi. Je comprenais tout ce qu’elle me disait et m’enseignait, mais elle le disait si clairement et si bien, que ce n’était pas merveille. J’annonçais aussi des dispositions musicales qui n’ont jamais été suffisamment développées, mais qui la charmaient, parce qu’elles lui rappelaient l’enfance de mon père, et elle recommençait la jeunesse de sa maternité en me donnant des leçons.

J’ai souvent entendu ma mère soulever devant moi ce problème : « Mon enfant sera-t-elle plus heureuse ici qu’avec moi ? Je ne sais rien, c’est vrai, et je n’aurai pas le moyen de lui en faire apprendre bien long. L’héritage de son père peut être amoindri, si sa grand’mère se désaffectionne en ne la voyant pas sans cesse. Mais l’argent et les talens font-ils le bonheur ? » Je comprenais déjà ce raisonnement, et quand elle parlait de mon avenir avec mon oncle de Beaumont, qui la pressait vivement de céder, j’écoutais de toutes mes oreilles sans en avoir l’air. Il en résulta pour moi un grand mépris pour l’argent, avant que je susse ce que ce pouvait être, et une sorte de terreur vague de la richesse dont j’étais menacée. Cette richesse n’était pas grand’chose car, au net, ce devait être un jour environ 12,000 francs de rente.

Mais relativement, c’était beaucoup, et cela me faisait grand’peine, étant lié à l’idée de me séparer de ma mère. Aussi, dès que j’étais seule