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Julie, sa femme de chambre, lui proposa d’amener sa nièce qui n’avait que six mois de plus que moi, et bientôt la petite Ursule fut habillée de deuil et amenée à Nohant. Aujourd’hui notre amitié, toujours plus éprouvée par l’âge, a quarante ans de date. C’est quelque chose.

J’aurai à parler souvent de cette bonne Ursule, et je commence par dire qu’elle fut pour moi d’un grand secours, dans la disposition morale et physique où je me trouvais par suite de notre malheur domestique. Le bon Dieu voulut bien me faire cette grâce que l’enfant pauvre qu’on associait à mes jeux ne fût point une âme servile.

L’enfant du riche (et relativement à Ursule j’étais une petite princesse) abuse instinctivement des avantages de sa position, et quand son pauvre compagnon se laisse faire, le petit despote lui ferait volontiers donner le fouet à sa place, ainsi que cela s’est vu entre seigneurs et vilains. J’étais fort gâtée. Ma sœur, plus âgée que moi de cinq ans, m’avait toujours cédé avec cette complaisance que la raison inspire aux petites filles pour leurs cadettes. Clotilde seule m’avait tenu tête, mais, depuis quelques mois, je n’avais plus l’occasion de devenir sociable avec mes pareilles. J’étais seule avec ma mère, qui pourtant ne me gâtait pas, car elle avait la parole vive et la main leste, et mettait en pratique cette maxime que : qui aime bien châtie bien ; mais, dans ces jours de deuil, soutenir contre les caprices d’un enfant