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les bras pendans, les yeux fixes, la bouche entr’ouverte, et que je paraissais idiote par momens. « Je l’ai toujours vue ainsi, disait ma mère ; c’est sa nature ; ce n’est pas bêtise ; soyez sûre qu’elle rumine toujours quelque chose.

Autrefois elle parlait tout haut en rêvassant. À présent elle ne dit plus rien, mais, comme disait son pauvre père, elle n’en pense pas moins. — C’est probable, répondait ma grand’mère ; mais il n’est pas bon pour les enfans de tant rêver. J’ai vu aussi son pauvre père, enfant, tomber dans des espèces d’extases, et après cela, il a eu une maladie de langueur. Il faut que cette petite soit distraite et secouée malgré elle ; nos chagrins la feront mourir si on n’y prend garde ; elle les ressent, bien qu’elle ne les comprenne pas. Ma fille, il faut vous distraire aussi, ne fût-ce que physiquement. Vous êtes naturellement robuste, l’exercice vous est nécessaire. Il faut reprendre votre travail de jardinage ; l’enfant y reprendra goût avec vous. » Ma mère obéit, mais sans doute elle ne put pas d’abord y mettre beaucoup de suite. À force de pleurer, elle avait dès lors contracté d’effroyables douleurs de tête qu’elle a conservées pendant plus de vingt ans, et qui, presque toutes les semaines, la forçaient à se coucher pendant vingt-quatre heures.

Il faut que je dise ici, pour ne pas l’oublier, une chose qui me revient et que je tiens à dire,