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disait-elle, et il marchait lentement, sans paraître voir personne. Il avait passé auprès d’elle sans la regarder et sans lui parler. Une autre l’avait vu dans l’antichambre de l’appartement de ma mère. C’était alors une grande salle nue destinée à un billard, et où il n’y avait qu’une table et quelques chaises. En traversant cette pièce le soir, une servante l’avait vu assis, les coudes appuyés sur la table et la tête dans ses mains. Il est certain que quelque voleur domestique profita ou essaya de profiter des terreurs de nos gens, car un fantôme blanc erra dans la cour pendant plusieurs nuits. Hippolyte le vit et en fut malade de peur. Deschartres le vit aussi et le menaça d’un coup de fusil : il ne revint plus.

Heureusement pour moi je fus assez bien surveillée pour ne pas entendre ces sottises, et la mort ne se présenta pas à moi sous l’aspect hideux que les imaginations superstitieuses lui ont donné. Ma grand’mère me sépara pendant quelques jours d’Hippolyte qui perdait la tête et qui, d’ailleurs, était pour moi un camarade un peu trop impétueux. Mais elle s’inquiéta bientôt de me voir trop seule et de l’espèce de satisfaction passive avec laquelle je me tenais tranquille sous ses yeux et plongée dans des rêveries, qui étaient pourtant une nécessité de mon organisation, et qu’elle ne s’expliquait point. Il paraît que je restais des heures entières assise sur un tabouret, aux pieds de ma mère ou aux siens, ne disant mot,