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d’une telle violence, que le cavalier fut enlevé et alla tomber à dix pieds en arrière. Weber n’entendit que ces mots : « À moi, Weber !… je suis mort ! » Il trouva son maître étendu sur le dos. Il n’avait aucune blessure apparente ; mais il s’était rompu la colonne vertébrale. Il n’existait plus !

Je crois qu’on le porta dans l’auberge voisine et que des secours lui vinrent promptement de la ville, pendant que Weber, en proie à une inexprimable terreur, était venu au galop chercher Deschartres. Il n’était plus temps, mon père n’avait pas eu le temps de souffrir. Il n’avait eu que celui de se rendre compte de la mort subite et implacable qui venait le saisir au moment où sa carrière militaire s’ouvrait enfin devant lui brillante et sans obstacle, où, après une lutte de huit années, sa mère, sa femme et ses enfans, enfin acceptés les uns par les autres, et réunis sous le même toit, le combat terrible et douloureux de ses affections allait cesser et lui permettre d’être heureux.

Au lieu fatal, terme de sa course désespérée, ma pauvre grand’mère tomba comme suffoquée sur le corps de son fils. Saint-Jean s’était hâté de mettre les chevaux à la berline et il arriva pour y placer Deschartres, le cadavre et ma grand’mère, qui ne voulut pas s’en séparer. C’est Deschartres qui m’a raconté, dans la suite, cette nuit de désespoir, dont ma grand’mère n’a jamais