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pour l’agonie ! si M. Deschartres s’était trompé ? Car, enfin, il me l’a ôté, il m’a empêché de le frotter encore, de le réchauffer, disant que je hâtais sa mort. Il est si rude, ton Deschartres ! Il me fait peur, et je n’ose lui résister ! Mais c’est peut-être un ignorant qui n’a pas su distinguer une léthargie de la mort. Tiens, je suis si tourmentée que j’en deviens folle, et que je donnerais tout au monde pour ravoir mon enfant mort ou vivant. » Mon père combattit d’abord cette pensée, mais, peu à peu, elle le gagna aussi, et regardant à sa montre : « Il n’y a pas de temps à perdre, dit-il ; il faut que j’aille chercher cet enfant. Ne fais pas de bruit, ne réveillons personne ; je te réponds que dans une heure tu l’auras. » Il se lève, s’habille, ouvre doucement les portes, va prendre une bêche et court au cimetière qui touche à notre maison et qu’un mur sépare du jardin. Il s’approche de la terre fraîchement remuée et commence à creuser. Il faisait sombre, et mon père n’avait pas pris de lanterne ; il ne put voir assez clair pour distinguer la bière qu’il découvrait, et ce ne fut que quand il l’eut débarrassée en entier, étonné de la longueur de son travail, qu’il la reconnut trop grande pour être celle de l’enfant. C’était celle d’un homme de notre village qui était mort peu de jours auparavant. Il fallut creuser à côté, et là, en effet, il retrouva le petit cercueil. Mais, en travaillant à