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attrapé un bouton. Il me semble que je soignerais impunément des pestiférés, et je pense qu’à quelque chose malheur est bon, moralement du moins, car je n’ai jamais vu de misères physiques dont je n’aie pu vaincre en moi le dégoût. Ce dégoût est violent cependant, et j’ai été souvent, bien souvent, près de m’évanouir en voyant des plaies et des opérations repoussantes. Mais j’ai toujours pensé alors à ma gale et au premier baiser de ma grand’mère, et il est certain que la volonté et la foi peuvent dominer les sens, quelque affectés qu’ils soient.

Mais tandis que je reprenais à vue d’œil, mon pauvre petit frère Louis dépérissait rapidement. La gale avait disparu, mais la fièvre le rongeait. Il était livide et ses pauvres yeux éteints avaient une expression de tristesse indicible. Je commençai à l’aimer en le voyant souffrir. Jusque-là je n’avais pas fait grande attention à lui ; mais quand il était étendu sur les genoux de ma mère, si languissant et si faible qu’elle osait à peine le toucher, je devenais triste avec elle, et comprenais vaguement l’inquiétude, la chose que les enfans sont le moins portés à ressentir. Ma mère s’attribuait le dépérissement de son enfant. Elle craignait que son lait ne lui fût un poison, et elle s’efforçait de reprendre de la santé pour lui en donner. Elle passait toutes ses journées au grand air avec l’enfant couché à l’ombre, auprès d’elle, dans des coussins et des châles