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fut de me jeter tout de mon long sur la natte en entrant dans la chambre qui nous était ouverte.

Probablement, nous avions déjà eu sur cette terre d’Espagne, bouleversée par l’insurrection, des gîtes moins confortables, car ma mère s’écria : « À la bonne heure ! voici des chambres très propres, et j’espère que nous pourrons dormir. » Mais, au bout de quelques instans, étant sortie dans le corridor, elle fit un grand cri et rentra précipitamment. Elle avait vu une large tache de sang sur le plancher et c’en était assez pour lui faire croire qu’elle était dans un coupe-gorge.

Mme Fontanier (voici que le nom de notre compagne de voyage me revient) se moqua d’elle ; mais rien ne put la décider à se coucher qu’elle n’eût examiné furtivement la maison. Ma mère était d’une poltronnerie d’un genre assez particulier. Sa vive imagination lui présentait à chaque instant l’idée des dangers extrêmes ; mais, en même temps, sa nature active et sa présence d’esprit remarquable lui inspiraient le courage de réagir, d’examiner, de voir de près les objets qui l’avaient épouvantée, afin de se soustraire au péril, ce qu’elle eût fait fort adroitement, je n’en doute pas. Enfin, elle était de ces femmes qui, en ayant toujours peur de quelque chose, parce qu’elles craignent la mort, ne perdent jamais la tête, parce qu’elles ont, pour ainsi dire, le génie de la conservation.

La voilà donc qui s’arme d’un flambeau et