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que, sans l’expliquer, je puis aisément le définir. Il n’est aucun moment de leur enfance où elles se trompent entièrement sur le genre d’existence de cet être inerte qu’on leur met entre les mains et qui doit développer en elles le sentiment de la maternité, pour ainsi dire avec la vie. Du moins, quant à moi, je ne me souviens pas d’avoir jamais cru que ma poupée fût un être animé : pourtant j’ai ressenti pour certaines de celles que j’ai possédées une véritable affection maternelle. Ce n’était pas précisément de l’idolâtrie, quoique l’usage de faire aimer ces sortes de fétiches aux enfans soit un peu sauvage. Je ne me rendais pas bien compte de ce que c’était que cette affection, et je crois que si j’eusse pu l’analyser, j’y aurais trouvé quelque chose d’analogue, relativement, à ce que les catholiques fervens éprouvent en face de certaines images de dévotion.

Ils savent que l’image n’est pas l’objet même de leur adoration, et pourtant ils se prosternent devant l’image, ils la parent, ils l’encensent, ils lui font des offrandes ; les anciens n’étaient pas plus idolâtres que nous, quoi qu’on en ait dit. En aucun temps, les hommes éclairés n’ont adoré ni la statue de Jupiter, ni l’idole de Mammon : c’est Jupiter et Mammon qu’ils révéraient sous les symboles extérieurs. Mais en tout temps, aujourd’hui comme jadis, les esprits incultes ont été assez empêchés de faire une distinction bien nette entre le Dieu et l’image.