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Ma mère, étant épuisée de fatigue, mais ne pouvant se résoudre à braver mes cris et mes plaintes, et craignant aussi que je fusse mal soignée, la nuit, par une bonne, était arrivée à ne plus dormir, dans un moment où elle en avait grand besoin. Voyant cela, un soir, et de sa propre autorité, Pierret vint me prendre dans mon berceau, et m’emporta chez lui où il me garda quinze ou vingt nuits, dormant à peine, tant il craignait pour moi, et me faisant boire du lait et de l’eau sucrée avec autant de sollicitude, de soin et de propreté qu’une berceuse eût pu le faire. Il me rapportait chaque matin à ma mère pour aller à son bureau, puis au Cheval Blanc ; et chaque soir il venait me reprendre, me portant ainsi à pied devant tout le quartier, lui grand garçon de vingt-deux ou vingt-trois ans, et ne se souciant guère d’être remarqué. Quand ma mère faisait mine de résister et de s’inquiéter, il se fâchait tout rouge, lui reprochait son imbécile faiblesse, car il ne choisissait pas ses épithètes, il le disait lui-même avec grand contentement de sa manière d’agir ; et quand il me rapportait, ma mère était forcée d’admirer combien j’étais proprette, fraîche et de bonne humeur.

Il est si peu dans les goûts et dans les facultés d’un homme, et surtout d’un homme d’estaminet, comme Pierret, de soigner un enfant de dix mois, que c’est merveille, non qu’il l’ait fait,