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Le jardin était un carré long, fort petit en réalité, mais qui me semblait immense, quoique j’en fisse le tour deux cents fois par jour.

Il était régulièrement dessiné à la mode d’autrefois : il y avait des fleurs et des légumes : pas la moindre vue, car il était tout entouré de murs ; mais il y avait au fond une terrasse sablée, à laquelle on montait par des marches en pierre, avec un grand vase de terre cuite, classiquement bête, de chaque côté, et c’était sur cette terrasse, lieu idéal pour moi, que se passaient nos grands jeux de bataille, de fuite et de poursuite.

C’est là aussi que j’ai vu des papillons pour la première fois, et de grandes fleurs de tournesol qui me paraissaient avoir cent pieds de haut. Un jour, nous fûmes interrompues dans nos jeux par une grande rumeur au dehors. On criait Vive l’Empereur ! on marchait à pas précipités, on s’éloignait, et les cris continuaient toujours.

L’Empereur passait, en effet, à quelque distance, et nous entendions le trot des chevaux et l’émotion de la foule. Nous ne pouvions pas voir à travers le mur ; mais ce fut bien beau dans mon imagination, je m’en souviens ; et nous criâmes de toutes nos forces : Vive l’Empereur ! transportées d’un enthousiasme sympathique.

Savions-nous ce que c’était que l’empereur ? Je ne m’en souviens pas, mais il est probable que nous en entendions parler sans cesse. Je m’en fis une idée distincte peu de temps après.