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prendre la forme du merveilleux, et l’histoire, la science naissante, la philosophie et la religion écrites en symboles, énigmes, que la raison moderne traduit ou interprète. La poésie, la fable même sont la vérité, la réalité relatives des temps primitifs. Il est donc dans la loi éternelle que l’homme ait sa véritable enfance, comme l’humanité a eu la sienne, comme l’ont encore les populations que notre civilisation n’a fait qu’effleurer. Le sauvage vit dans le merveilleux, et n’est ni un idiot, ni un fou, ni une brute, c’est un poète et un enfant. Il ne procède que par poèmes et par chants comme nos anciens, à qui le vers semblait être plus naturel que la prose, et l’ode, que le discours.

L’enfance est donc l’âge des chansons, et on ne saurait trop lui en donner. La fable, qui n’est qu’un symbole, est la meilleure forme pour introduire en lui le sentiment du beau et du poétique, qui est la première manifestation du beau et du vrai.

Les fables de Lafontaine sont trop fortes et trop profondes pour le premier âge. Elles sont pleines d’excellentes leçons de morale, mais il ne faudrait pas de formules de morale au premier âge : c’est l’engager dans un labyrinthe d’idées où il s’égare, parce que toute morale implique une idée de société, et l’enfant ne peut se faire aucune idée de la société. J’aime mieux pour lui les notions religieuses sous forme de poésie et de sentiment. Quand ma mère me