Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/449

Cette page n’a pas encore été corrigée

fossé bourbeux du Piémont, par la nuit la plus noire et la plus détestable, et, de plus, au milieu d’un bois, coupe-gorge fameux, où, la veille, on avait assassiné et volé un marchand de Turin. Le sabre d’une main et le pistolet de l’autre, nous avons fait sentinelle jusqu’à ce qu’il nous soit arrivé main-forte pour nous remettre sur pied, c’est-à-dire pendant trois heures.

Bientôt les chevaux nous ont manqué, ensuite les chemins sont devenus affreux. Arrivés au bord de la mer, le vent s’est élevé contre nous et nous avons pensé chavirer dans la lagune. Enfin, nous voici dans Venise la belle, où je n’ai encore vu que de l’eau fort laide dans les rues et bu que de fort mauvais vin à la table de Duroc. Depuis Paris, voici la première nuit que je vais passer dans un lit. L’empereur ne passera que huit jours ici. Je n’ai pas le temps de t’en dire davantage. Je t’aime, tu es ma vie, mon ame, mon Dieu, mon tout. » « De Milan, le 11 décembre 1807.

« Cette date doit te dire, chère amie, que je pense à toi doublement s’il est possible, puisque je suis dans un lieu si plein de souvenirs de notre amour, de mes douleurs, de mes tourmens et de mes joies. Ah !

que d’émotions j’ai éprouvées en parcourant les jardins voisins du cours ! Elles n’étaient pas toutes agréables ; mais ce qui les domine toutes, c’est mon amour pour toi. C’est mon impatience de me retrouver dans tes bras.