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et sa personne de courtisans arrachés à l’ancien parti. Il n’a pas besoin de complaire à de petits officiers comme nous, qui avons fait la guerre par enthousiasme, et dont il n’a rien à craindre. Si tu était lancée dans le monde, dans l’intrigue ; si tu conspirais contre lui avec les amis de l’étranger, tout irait mieux pour moi ; je ne serais pas ignoré, délaissé ; je n’aurais pas eu besoin de payer de ma personne, de dormir dans l’eau et dans la neige, d’exposer cent fois ma vie, et de sacrifier notre petite aisance au service de la patrie. Je ne te reproche pas ton désintéressement, ta sagesse et ta vertu, ma bonne mère, au contraire, je t’aime et t’estime, et te vénère pour ton caractère. Pardonne-moi donc, à ton tour, de n’être qu’un brave soldat et un sincère patriote.

« Consolons-nous pourtant ; vienne la guerre, et tout cela changera probablement. Nous serons bons à quelque chose quand il s’agira de coups de fusil, et alors on songera à nous.

« Je ne veux pas relire la dernière page de ta lettre : je l’ai brûlée.

Hélas ! que me dis-tu ? Non, ma mère, un galant homme ne se déshonore pas parce qu’il aime une femme ; et une femme n’est pas une fille quand elle est aimée d’un galant homme qui répare envers elle les injustices de la destinée. Tu sais cela mieux que moi, et mes sentimens, formés par tes leçons, que j’ai toujours religieusement écoutées, ne sont que le reflet de ton ame. Par quelle inconcevable fatalité me